Alors que sa professionnalisation a été amorcée il y a désormais 40 ans, et tandis qu’elle s’est généralisée en tant que fonction dans le champ de la culture, la médiation culturelle ne bénéficie toujours pas d’une définition univoque (Bordeaux et Caillet, 2013). Les médiateurs·rices culturel·les assurent ainsi une activité polymorphe et complexe mais attendue, « conjointement demandée par les institutions, par le ministère de tutelle et par les publics » (Aubouin et Kletz, 2018 : 12), souffrant pourtant, aujourd’hui encore, d’un manque de reconnaissance.
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Si l’on peut certainement s’entendre sur la vocation de la médiation culturelle à « faire lien » entre un ou des publics et une proposition artistique, les médiateurs·rices assurent en réalité des fonctions très diverses (de l’accueil à la communication, des visites guidées aux relations presse) selon les structures qui les emploient et leur politique de gestion des ressources humaines (Aubouin, Kletz et Lenay, 2010).
Le présent colloque a pour objectif de poser l’ensemble de ces problématiques au prisme de la posture du·de la médiateur·rice, posture que l’on pourrait qualifier de paradoxale, au-delà même de la précarité de son statut dans le champ culturel. Dépositaire du lien entre des publics et une proposition artistique ou culturelle, sa parole n’est jamais tout à fait assimilée ni à celle des publics, ni à celle de l’artiste, ni même à celle de la structure qui l’emploie. Il·elle doit alors lutter sans cesse pour échapper au rôle dans lequel cette posture particulière menace de l’enfermer, celle de garant·e d’un ordre des choses qu’il·elle cherche précisément à abolir, participant à construire, depuis l’intérieur des murs de l’institution, une figure de l’extériorité, celle de publics jugés inadaptés à l’espace de la culture.
Ce premier axe s’intéressera à la généalogie des pratiques de médiation participative, et reviendra sur celle des notions d’« espace public » et de « participation » telles qu’elles furent envisagées au sein des projets culturels développés à partir des années 1970, en France et à l’étranger. Seront ainsi abordées des étapes clés de cette évolution telles que l’avènement de la muséologie participative, de la performance, ou encore celui du numérique dans les institutions culturelles. La question de la médiation culturelle sera appréhendée au travers de deux prismes interdépendants : celui de l’analyse des conséquences de l’avènement du « participatif » sur la définition des missions des médiateurs·rices, et celui du rôle de ces acteurs·rices culturel·les dans cette évolution. Il s’agira ainsi notamment de se pencher sur l’influence de la médiation culturelle dans le tournant éducatif des pratiques curatoriales (voir Jaschke et Sternfeld (dir.), 2012 ; Mörsch, 2011 ; Rogoff, 2008).
Le second axe du colloque posera la question de l’influence, sur le champ de la médiation culturelle, de la centralité croissante des droits culturels dans les réflexions sur la culture. Cette question sera abordée dans une perspective interculturelle, à la fois au travers du cas français, où elle s’inscrit dans un contexte historique particulier et se cristallise actuellement dans de nombreuses discussions, parfois houleuses (à l’image des récentes querelles théâtrales précédemment citées), et au travers de plusieurs cas étrangers – où elle prend notamment la forme de débats autour d’un possible « réarmement sémantique » (El Hadji Sy cité dans Deliss, 2017) d’objets ethnographiques au sein de projets muséographiques eux-mêmes controversés. Il s’agira ainsi d’interroger le rôle du·de la méditeur·rice culturel·le depuis l’analyse des mécanismes à l’œuvre dans la répartition de la participation à (et de l’exclusion de) l’élaboration, l’interprétation et la réception du patrimoine culturel et artistique collectif (voir Lynch, 2011, 2016 ; Mörsch, Sachs et Sieber (dir.), 2016).
Le troisième axe structurant cette conférence visera à interroger la façon dont les questionnements soulevés précédemment sont intégrés et discutés au sein de la formation universitaire et professionnelle des médiateurs·rices – ou bien dont ils peuvent l’être. Alors même que son importance est centrale dans les évolutions qui nous intéressent ici, la question de l’enseignement de la médiation culturelle est en effet peu abordée dans les champs académiques et professionnels, qui se concentrent le plus souvent sur les effets du travail des médiateurs·rices et ses retombées mesurables. La réflexion sur la formation à la médiation culturelle dans les champs académique et institutionnel (privé et public) ainsi proposée permettra d’introduire une dimension comparative (à l’échelle internationale) essentielle à l’appréhension des enjeux de la théorie et de la pratique de la médiation culturelle aujourd’hui. À cet égard, on pourra s’intéresser à des cursus qui ne sont pas exclusivement dédiés à la médiation culturelle, mais qui l’ont intégrée ces dernières années (de façon assez ouverte, « métiers de la culture », médiation interculturelle, traduction, etc.), par exemple dans des cursus consacrés à des aires culturelles étrangères. Il s’agit là d’évolutions pédagogiques à la fois pragmatiques et stratégiques, sans qu’un dialogue n’existe véritablement entre ces formations et celles dédiées spécifiquement à la médiation culturelle.
Les présentations pourront prendre plusieurs formes :
Quelle que soit la forme choisie, les propositions de communication seront rédigées en français ou en anglais, en format Word ou PDF, et pourront adopter des démarches disciplinaires variées. D’une longueur maximale de 3000 signes (espaces compris), elles présenteront clairement la forme choisie parmi les trois proposées (présentation classique, intervention courte, workshop). Pour les présentations classiques et les interventions courtes, seront précisées la démarche adoptée et les méthodes employées, ainsi que l’axe dans lequel la communication s’inscrit. Les propositions seront anonymisées (pour être évaluées en aveugle) et comporteront un titre, une bibliographie et cinq mots-clés.
Un second document sera joint à l’envoi par mail, et comportera les informations suivantes : Titre de la proposition, nom, prénom, affiliation(s) et une notice bio-bibliographique de(s) (l’)auteur·e(s) (max. 150 mots).
Les propositions devront parvenir au plus tard le 20 mars 2020 à l’adresse suivante : mediation.prendrepart chez gmail.com
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Marseille, 22-24 octobre 2020
Lieux/Locations of the conference :
Contact : judith.dehail chez univ-amu.fr